
Terminator Genisys ou la réécriture convenable de l’Apocalypse selon Saint James…
3 juillet 2015 3 juillet, 2015 @ 14:36:26Tatam tam tatam! Je ne passerai pas par quatre chemins : Terminator Genisys réussit en 2015 là où Terminator 3: Rise of the Machines et Terminator Salvation échouaient en 2003 et 2009, c’est-à-dire à rendre justice à deux classiques de la SF, The Terminator et Terminator 2: Judgment Day, sortis en 1984 et 1991. Tatam tam tatam!
Hissés au statut de films cultes depuis belle lurette, les deux premiers opus écrits et réalisés par James Cameron (Avatar et Titanic, respectivement #1 et #2 du box-office mondial de tous les temps!) ont mis tantôt la barre trop haute pour Jonathan Mostow (U-571, Breakdown), tantôt très haute pour McG (les deux films Charlie’s Angels, We Are Marshall, 3 Days to Kill). Résultat : T3 parodiait littéralement l’arrivée du T-800 et la scène du bar (un ladies’ night suivi d’une paire de lunettes fumées en forme d’étoile, vraiment?), tandis que T4 tentait une réorientation radicale de la saga avec une approche nouvelle, bien de son temps, me rappelant la signature sombre de Christopher Nolan (la trilogie The Dark Knight, Inception, Interstellar) et celle réaliste de Neill Blomkamp (District 9, Chappie, Elysium).
Avec T5, Alan Taylor trouve un bon dosage (et non le parfait dosage!) entre l’hommage et l’innovation. S’étant fait la main au petit écran grâce à quelques épisodes dans les plus populaires téléséries états-uniennes (Game of Thrones, Mad Men, The Sopranos, Sex and the City, The West Wing, Six Feet Under, Rome et même Lost), le réalisateur de Thor: The Dark World reprend d’abord le flambeau des mains de Cameron en revisitant l’incipit de T1. Il modifie ensuite sa genèse (d’où le titre du film dont le suffixe évoque aussi le terme informatique system) à la manière de Back to the Future Part II ou X-Men: Days of Future Past, afin de finalement réécrire sa propre version du Jugement dernier.
Voici, sans plus tarder, un synopsis on ne peut mieux succinct du cinquième volet :
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En 2029, le chef de la résistance humaine John Connor (Jason Clarke) mène une guerre sans merci contre les machines. Il envoie son lieutenant et « futur père » Kyle Reese (Jai Courtney) remonter le temps jusqu’en 1984 pour protéger sa mère Sarah Connor (Emilia Clarke) et assurer ainsi l’avenir de l’humanité. Des évènements provoquent un passé alternatif inattendu dans lequel Kyle se retrouve. Orpheline à neuf ans, Sarah a depuis été élevée par un Terminator (Arnold Schwarzenegger) programmé pour la protéger. Celui-ci devient pour Sarah et Kyle un allié nécessaire. Ensemble, ils doivent faire face à un ennemi qui a changé de visage… et de camp.
Ces grandes lignes du récit ressemblent-elles au film original de 1984? Oui, en théorie. Dans les faits, au tiers du film de 2015, une trouvaille scénaristique inopinée relance l’intrigue dans une direction diamétralement opposée et transporte les spectateurs vers une aventure inédite. C’est d’ailleurs à partir de ce moment que T5 s’affranchit de ses prédécesseurs.
L’idée de départ provient de James Cameron en personne. Il l’a confié à Deadline :
« Cela ne m’intéressait pas de produire le film ou d’y participer véritablement, mais je voulais quand même faire un geste pour Arnold. J’ai simplement fait remarquer à la production que la peau du Terminator n’était pas synthétique. Elle est organique, donc elle vieillit. En théorie, on peut tout à fait avoir un Terminator qui voyage dans le temps, rate sa cible et finit par s’intégrer dans la société. Son cerveau étant comme un ordinateur, il peut apprendre vite, devenir plus humain et se fondre parmi les hommes sans être découvert. »
Grâce à Cameron, Arnold Schwarzenegger (True Lies, Predator, Commando, la trilogie The Expendables) est de retour pour combler les attentes de ses admirateurs nostalgiques. Le 8 mai 2015, il a montré une facette plus humaine et touchante de son jeu d’acteur dans Maggie, suscitant l’ire de ceux qui attendaient un feu d’artifice de scènes d’action. Pour rejouer de manière crédible un endosquelette de métal recouvert de tissus charnels, il s’est entraîné pendant six mois et a retrouvé son poids ainsi que ses mensurations de 2003 (il y a douze ans), à défaut de retrouver ceux de 1991 (douze autres années auparavant). Affichant ses cheveux poivre et sel naturels, son personnage de T-800 vieillissant répète une nouvelle phrase coup de poing lancée comme une flèche du Parthe : « I’m old, but I’m not obsolete. » Le double-sens renvoie autant au protagoniste qu’à l’acteur de 67 ans. Avant le tournage, il a affirmé en entrevue :
« J’attends le tournage avec impatience puisque, comme vous le savez, la dernière fois qu’ils ont fait un Terminator, j’étais gouverneur et je n’avais donc pu y participer. Mais là, je suis de retour et ils sont très excités à l’idée de m’avoir. Le script est fantastique, donc je suis très impatient d’y être. »
Dis donc, elle est chouette cette Emilia Clarke (Daenerys dans la télésérie Game of Thrones). Au-delà de cette façade de baby doll, elle peine toutefois à convaincre en substitut de Linda Hamilton. Sarah Connor est pourtant l’un des personnages féminins les plus badass de l’histoire du cinéma, aux côtés d’Ellen Ripley (la saga Alien) et de Furiosa (Mad Max: Fury Road). Emilia se souvient de sa rencontre avec Papy Schwarzy en ces termes : « Vous vous apprêtez à rencontrer votre idole et une partie de vous s’attend à être un peu déçue au fond, genre “Oh, vous êtes une personne normale en fait”. Mais Arnold est tout ce que vous imaginiez, et plus encore. »
Jai Courtney (A Good Day to Die Hard, Divergence et prochainement Suicide Squad) ne mérite pas que je lui accorde un paragraphe entier. Je me contente donc de dire qu’il a perdu 44 livres pour sa performance décérébrée. J’enchaîne aussitôt avec Jason Clarke (Zero Dark Thirty, Dawn of the Planet of the Apes) et J.K. Simmons (Whiplash, la trilogie Spider-Man de Sam Raimi) qui livrent tous deux la marchandise avec une énergie et un enthousiasme compréhensibles dans une telle franchise.
Après un Terminator femelle dans T3 (le T-X joué par Kristanna Loken), c’est maintenant avec un Terminator asiatique que Schwarzy et ses protégés ont maille à partir. Byung-hun Lee (G.I. Joe: The Rise of Cobra, G.I. Joe: Retaliation, RED 2) n’arrive aucunement à convaincre sous les traits d’un soi-disant inarrêtable T-1000. J’ignore pourquoi il se transforme en policier, comme dans T2, sans compter que rien n’explique d’où il vient ni les paramètres de sa brève mission. Sa raison d’être donne seulement un peu plus de sens à un revirement final qui vous laissera bouche bée. Robert Patrick étouffera son rire chaque fois qu’il reverra T5 avec cet ersatz d’androïde en poly-alliage mimétique (je veux dire en métal liquide, excusez mon charabia), lui qui l’a si bien interprété en 1991…
Pour rendre crédible la scène où le vieux T-800 rencontre son homologue de 1984, l’équipe a fait appel à Brett Azar, un bodybuilder de 27 ans dont le gabarit se rapproche au possible de celle de son idole à l’époque, alors que Schwarzy avait 36 ans. Sa tête a été remplacée au montage en ayant recours au CGI. Malheureusement pour tout le monde, ce duel de titans se situe en deçà des attentes tellement l’ordinateur crève l’écran en dépit d’un travail minutieux de douze mois. Il y aurait eu matière à amélioration, surtout en sachant à quel point T2 a révolutionné les effets spéciaux avec le morphing. Constatez-le par vous-même en visionnant cette vidéo qui compare l’arrivée du T-800 dans T1 et celle de ce même T-800 dans T5 :
Terminator Genisys a fait l’objet d’une campagne de marketing bâclée. Le 2 décembre 2014, une affiche animée (il manquait juste ça!) lançait un compte à rebours sous forme de sablier. Le lendemain, un teaser de 15 secondes montrait les premières images du film. Le surlendemain, une première bande-annonce officielle révélait une postproduction incomplète où les SFX semblaient dignes d’une PlayStation. Dommage cependant que la scène qui me fait encore rager soit justement celle dans laquelle les deux T-800 s’affrontent. Le 13 avril 2015, une deuxième bande-annonce officielle révélait un énorme spoiler au sujet de John Connor. Je vous épargne ce supplice, dans cette critique comme dans le choix de la BA placée en exergue.
En tant que féru des deux premiers films et de Schwarzy, j’ai été ravi de revoir le « Chêne autrichien » sur grand écran, mais déçu d’entendre sa voix doublée au Québec. En effet, depuis T3, le québécois Yves Corbeil succède au français Daniel Beretta, et ce, pour le plus grand déplaisir de nos oreilles. Je recommande donc la version originale anglaise.
L’histoire d’amour entre Sarah Connor et Kyle Reese est à la hauteur de celle entre Padmé Amidala et Anakin Skywalker dans Star Wars: Episode II – Attack of the Clones, c’est-à-dire au plus bas. Impossible d’y croire un seul instant tant leurs moments à eux et leurs dialogues sont vides d’émotions. Je préfère de loin l’idylle éphémère entre Linda Hamilton et Michael Biehn il y a 31 ans…
Un autre point qui pose problème est la bande sonore originale qui n’équivaut en rien à celle de Brad Fiedel pour T1 et T2. Cette présence musicale mettait la pression et accentuait le sentiment d’urgence dans chaque scène d’action. Le compositeur Lorne Balfe aurait dû se contenter de musiques additionnelles, comme il l’a si bien fait sur plusieurs films de Christopher Nolan.
Comme Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull et Jurassic World, T5 tente une entreprise de modernisation en faisant du neuf avec du vieux (oups… avec de l’obsolescence!). Advenant que le public acquiesce et donne une nouvelle fois raison aux studios (Jurassic World a atteint un milliard de recettes en 13 jours d’exploitation, un record de vitesse!), une séquence post-générique s’assure de faire la promotion d’une suite programmée pour 2017…
La course-poursuite sur le Golden Gate Bridge de San Francisco se termine d’une manière aussi renversante qu’inutile. Après un autobus qui saute un trou béant dans Speed et le Spice Bus en carton qui répète l’exploit dans Spice World (le ridicule tue le temps, quoi!), voici que notre Magic School Bus exécute un backflip dans T5 avant de finir dans une position précaire qui rappelle celle du RV dans The Lost World: Jurassic Park ou celle de l’avion militaire dans The Dark Knight Rises! Ouf! Il manquait juste que l’antagoniste se liquéfie et se reforme en Dennis Hopper…
Le scénario de Laeta Kalogridis (Shutter Island, Alexander) et Patrick Lussier (Drive Angry, Dracula 2000), deux experts de l’écriture (ô sarcasme quand tu me tiens!), dénonce en filigrane une société branchée sur les téléphones cellulaires et les réseaux sociaux. C’est un peu ironique venant d’une saga sur la mécanique, l’électronique, la robotique, le vérin hydraulique et l’huile de moteur. Autant de technologie numérique, d’écrans plasma et de projections 3D diluent sa spécificité très matérielle. Mais bon, ce film arrive avec de bonnes intentions (faire un reboot/suite/remake) et des idées malgré tout louables (critiquer l’Apple way of life).
Maintenant, lisez-moi très attentivement. Terminator Genisys vaut-il le coût d’entrée au cinéma? Affirmatif. Celui-là, il a été fait pour vous et moi. Faut-il (re)voir The Terminator et Terminator 2: Judgment Day au préalable? Impératif. Ils sont vieux, mais loin d’être obsolètes. Le risible Terminator 3: Rise of the Machines et le standalone Terminator Salvation aussi? Négatif. Pour ce genre de résidu de capote trouée, on ne dit pas « affirmatif » ou bien des conneries de ce genre. On dit plutôt hasta la vista, baby.
Bref, avec sa promo en dent de scie et le résultat final, ce Terminator Reloaded est tout à fait symptomatique de la manière d’envisager les suites des films de l’époque glorieuse du blockbuster hollywoodien. Je vais continuer d’espérer, ou commencer à prier…
Verdict : 7,5 sur 10
Un Terminator vous poursuit? No problemo : il suffit d’acheter des espadrilles Nike. Cela fonctionne aussi bien que le placement de produit…
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d’événement, publicités, vidéoclips). Il s’occupe d’ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d’une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l’UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l’UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca