
The Walk ou quand un Petit Phil tendu permet à un être mi-homme, mi-oiseau de relier ciel et terre…
7 octobre 2015 7 octobre, 2015 @ 20:42:24Visionner The Walk en IMAX 3D, c’est vivre une expérience de cinéma comme il s’en fait rarement. C’est en même temps découvrir un poème qui jette un regard empreint de nostalgie sur l’une des plus périlleuses prouesses exécutées par un homme seul, en rendant aussi un hommage direct aux « Twin Towers » du World Trade Center qui se sont écroulées le 11 septembre 2001 et un hommage indirect aux 2 977 victimes.
« Être funambule, ce n’est pas un métier, c’est une manière de vivre. Une traversée sur un fil est une métaphore de la vie : il y a un début, une fin, une progression, et si l’on fait un pas à côté, on meurt. Le funambule relie les choses vouées à être éloignées, c’est sa dimension mystique. »
Ces mots du funambule Philippe Petit résument à merveille ce qui le motive chaque fois qu’il entreprend de s’aventurer à marcher sur un câble d’acier tendu entre deux points. Il a accomplit son plus grand exploit le 7 août 1974, au moment où les tours 1 et 2 du WTC venaient à peine de célébrer leur premier anniversaire (l’inauguration s’est déroulé le 4 avril 1973), surpassant de 36 mètres l’Empire State Building afin de régner « en maître » sur New York.
C’est ce tour de force défiant les limites du possible que Robert Zemeckis (Forrest Gump, Cast Away, la trilogie Back to the Future) nous propose dans The Walk. Pour ce faire, il a décidé d’utiliser la technologie 3D comme moyen d’expression et comme moyen d’immersion. Et je le clame haut et fort : le résultat atteint des sommets de perfection!
Il s’agit, à mon avis, du seul film auquel la 3D sied vraiment, excepté peut-être d’Avatar réalisé par James Cameron en 2009, les deux films ajoutant une dimension supplémentaire au mot spectacle. Dans The Walk, la sensation de vertige durant la scène finale est telle que je dois confesser ce vœu pieux : jamais, au grand jamais, je ne me suis senti comme cela devant un film. Je ressentais la dangerosité de chaque pas du Français par en avant ou par en arrière (aucun louvoiement possible!), comme si j’y étais. Ainsi, la dernière demi-heure n’a rien à envier en intensité à la première demi-heure du débarquement de Normandie dans Saving Private Ryan réalisé par Steven Spielberg en 1998 ou, pourquoi pas, à la fin du récent Sicario réalisé par Denis Villeneuve!
Il faut rappeler que le réalisateur n’est pas étranger dans l’art de concilier des techniques passéistes et éprouvées (la rotoscopie) ainsi que des techniques futuristes et innovatrices (la capture de mouvement et le Digital 3D). Par exemple, dans Who Framed Roger Rabbit en 1988, il intégrait Bob Hoskins dans des images animées et, dans Forrest Gump en 1994, il répétait l’exploit avec Tom Hanks dans des images d’archives. Il a toutefois perdu pied avec A Christmas Carol, un film d’animation en 3D à l’affiche en même temps qu’Avatar.
Joseph Gordon-Levitt (Looper, Don Jon, 50/50, (500) Days of Summer) tient pour ainsi dire le film comme un balancier en dépit d’un équilibre précaire. En effet, il en fait assez pour ne pas s’effacer derrière le truchement d’une forme tridimensionnelle et n’en fait pas trop pour imiter ou s’imposer devant le véritable Philippe Petit. Il a d’ailleurs réellement appris le français (son accent américain le rend plus attachant) et à se déplacer sur un fil (en seulement huit jours).
L’acteur de 34 ans commente : « Ce fil, c’est l’idée que nos rêves sont à notre portée. Que la magie, c’est ça. Que l’art, c’est ça. Pour moi, la traversée de Philippe est une métaphore du courage ordinaire. »
Ben Kingsley (Gandhi, Schindler’s List, Hugo, Exodus: Gods and Kings) joue Papa Rudy, le mentor appréhensif, tandis que la montréalaise d’origine Charlotte Le Bon (Yves Saint Laurent, Astérix & Obélix : Au service secret de sa Majesté, les voix française et québécoise de Joie dans Inside Out) joue Annie, la petite amie compréhensive. Tous deux soutiennent très bien l’acteur principal dans son rôle.
S’il est une accusation à porter contre le film, c’est de jouer beaucoup la carte du faux. Si les accents peuvent agacer les uns (celui de Gordon-Levitt ou celui, britannique, de Kingsley), les autres lui reprocheront d’avoir tenté de recréer un Paris et un New York ici-même, à Montréal. Entre le 26 mai et le 6 août 2014, le Vieux-Port de la métropole a servi de lieu pour l’ensemble du tournage. Certaines rues sont reconnaissables, ce qui est dommage. Au moins, le recours à l’écran vert ne dérange pas, ni les verres de contact bleus qu’a portés l’acteur pour ressembler au protagoniste rouquin.
Les carottes sont cuites!
Grâce à des retours en arrière, Gordon-Levitt/Petit narre l’histoire du haut de la statue de la Liberté avec une vue imprenable sur le paysage de la Grosse Pomme et ses deux totems de l’économie libérale. Ce narrateur à l’écran (au présent) et cette narration à l’écoute (dans les flashbacks) sont inutiles. Le film aurait gagné à s’en tenir chronologiquement à ses trois parties :
1- Les premiers pas de Petit dans le funambulisme, à Paris.
2- L’arrivée aux États-Unis et la préparation du coup, à New York.
3- La fameuse traversée historique (et illégale) entre les tours, toujours à New York.
The Walk ne raconte pas cette histoire en exclusivité. En 2002, Petit a relaté lui-même les faits dans une autobiographie intitulée To reach the Clouds. En 2008, James Marsh a réalisé Man on Wire et a même remporté l’Oscar du meilleur film documentaire. Ce projet se présentait comme un thriller avec des témoignages et des scènes de reconstitutions. En 2009, Colum McCann a donné son point de vue dans le livre Et que le vaste monde poursuive sa course folle.
Bref, à l’image de la prouesse physique de Philippe qui se regardait avec des (tours) jumelles, la prouesse technique de Robert se regarde avec des lunettes 3D sur écran IMAX. En dehors de cela, que ce soit sur Blu-ray/DVD, à la télévision ou en plusieurs parties sur YouTube, ce biopic perdra beaucoup en intérêt. Il ne vaudra plus « le coup » d’œil…
Verdict : 8,5 sur 10