Zootopia ou quand un studio rusé comme un renard sort un autre lapin de son chapeau!

5 mars 2016 0 Par Louis-Philippe Coutu-Nadeau 5 mars, 2016 @ 19:53:46

Zootopia n’est ni une suite, ni un remake, ni un reboot, ni un oiseau, ni un avion, ni Superman. Il n’adapte ni un roman, ni un jeu vidéo, pas plus qu’il ne s’inspire d’une histoire vraie. En tant que 55e titre des Walt Disney Animated Classics, il s’agit rien de moins que d’un divertissement 100% original destiné à toute la famille, dont l’histoire met en vedette une lapine et un renard. Ce duo proie/prédateur ferait très certainement jaillir quelques vers de La Fontaine le temps d’une fable…

Les artistes de chez Disney sont passés maître dans l’art de simuler des mondes imaginaires et de stimuler l’imagination du monde. Ils l’ont prouvé à maintes reprises : Canardville dans la série télévisée DuckTales (1987-1990), Agrabah dans Aladdin (1992), Monstropolis dans Monsters, Inc. (2001), Radiator Springs dans Cars (2006), Arendelle dans Frozen (2013), San Fransokyo dans Big Hero 6 (2014), Tomorrowland dans Tomorrowland (2015), j’en passe et des plus merveilleux. Aujourd’hui, ils nous proposent Zootopia.

Voici le résumé de l’histoire :

Sortie major de sa promotion, la jeune lapine Judy Hopps fait son entrée comme policière au centre-ville de Zootopie. Le buffle Bogo, son nouveau patron, l’assigne à la circulation. Elle décide de prouver sa valeur en retrouvant quatorze citoyens qui ont mystérieusement disparu. Pour y parvenir, elle aura besoin du renard malhonnête Nick Wilde qui refuse de l’aider jusqu’à ce qu’elle menace de le dénoncer au fisc pour ses arnaques. Très vite, ils vont découvrir qu’une étrange épidémie ramène certains animaux-prédateurs à l’état sauvage. La panique s’empare aussitôt de la ville, surtout des animaux-proies qui sont dix fois plus nombreux.

Byron Howard (Tangled, Bolt) et Rich Moore (Wreck-It Ralph et 17 épisodes de la série télévisée The Simpsons entre 1990 et 1993) sont les deux réalisateurs derrière la jungle urbaine de Zootopie. Leur équipe et eux ont interrogé des experts autour du globe, à commencer par ceux du parc à thèmes Disney’s Animal Kingdom, et se sont même rendus au Kenya afin d’étudier le comportement animal de près. Ces recherches ont duré 18 mois et ont permis de choisir quelles espèces monteraient à bord de cet ersatz d’arche de Noé. Du gros éléphant à la minuscule souris, 64 d’entre elles ont été retenues afin de peupler la ville cosmopolite.

Rich Moore explique la volonté derrière l’idée de départ : « On voulait faire un buddy movie polar. Qui parle au fond de lutte pour le pouvoir, pour le contrôle. […] Le prédateur et la proie qui vivent ensemble : c’est une bonne métaphore des États-Unis. Tu n’as qu’à regarder les infos. »

Ils ont redoublé d’efforts pour souligner ou détourner les clichés qui collent à tel ou tel animal : le guépard Benjamin est un goinfre corpulent qui se déplace avec lenteur, les lapins sont des maraîchers qui cultivent les carottes, les éléphants n’ont pas de mémoire, les renards et les fennecs sont des arnaqueurs, les paresseux sont des fonctionnaires qui gèrent les démarches administratives à une vitesse dont nous sommes familiers, etc.

Par exemple, au sujet d’un mouton, Nick lance à Judy : « Tu crois qu’elle se compte elle-même pour s’endormir? »

Un prologue brillant nous permet d’assister à une pièce de théâtre qui nous explique la genèse de la ville, à la manière des pères fondateurs des États-Unis en 1776. Ensuite, quand Judy quitte Lapinville, ses parents ainsi que ses 275 frères et soeurs (!), une visite en train nous présente quelques-uns des quartiers diamétralement différents :

– La place du Sahara
– Toundraville
– Le quartier de la Forêt Humide
– la gare centrale de Savanna
– Sourisville

La musique du compositeur Michael Giacchino (Up, Ratatouille, Inside Out, Jupiter Ascending, Jurassic World) n’est pas à la hauteur de son talent, encore moins à la hauteur d’un film Disney. C’est plutôt la chanson Try Everything de Shakira qui prend toute la place. Elle ouvrait déjà la bande-annonce officielle. Ici, elle accompagne la visite en train, puis revient durant un générique de fin un peu hors sujet qui ne sert qu’à promouvoir ce prochain hit radiophonique. Durant cette scène finale, la voix de la chanteuse Gazelle est évidemment celle de la chanteuse colombienne…

À noter que Martin Matte et Julie Le Breton, le couple préféré du petit écran québécois dans Les beaux malaises, doublent respectivement Stu et Bonnie Hopps, les parents de Judy. Notre province excelle dans l’art d’employer des personnalités non-professionnelles pour doubler les films d’animation, attirant au passage la curiosité d’un nouveau public. Ce n’est pas un hasard si Joannie Rochette et les soeurs Dufour-Lapointe ont prêté leurs voix dans Planes (2013), étant donné que la première a remporté la médaille de bronze au Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver et que les trois soeurs venaient de triompher aux Jeux olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi. Même principe pour l’humoriste Patrick Huard dans Garfield (2004) et Garfield: A Tail of Two Kitties (2006), l’ancien couple chéri Mariloup Wolfe et Guillaume Lemay-Thivierge en Barbie et Ken dans Toy Story 3 (2010), le pilote automobile Jacques Villeneuve dans Cars 2 (2011), le pratiquant de MMA Georges Saint-Pierre dans Monsters University (2013) ou encore la chanteuse Marie-Mai en Schtroumpfette dans The Smurfs (2011) et The Smurfs 2 (2013). Cela enlève du travail qui aurait dû revenir à des doubleurs de formation et/ou d’expérience, et il serait grand temps que le Québec reconnaisse qu’il s’agit d’un métier qui ne s’improvise pas.

Julie Le Breton et Martin Matte prêtent leur voix aux parents de la protagoniste.

Après Robin Hood (1973), The Great Mouse Detective (1986) et Chicken Little (2005), je ne crois pas me tromper en affirmant que Zootopia est le quatrième film d’animation de Disney dans lequel les humains ont été remplacés par des animaux anthropomorphes. J’entends par là qu’ils sont bipèdes, habillés et dotés du sens de la parole. C’est l’occasion parfaite pour rire indirectement de nous-mêmes.

Bref, Zootopia est un très bon divertissement pour enfants qui vaut le coup d’oeil de la part des parents. La référence à la télésérie Breaking Bad (2008-2013) est drôle et intéressante, mais celle au classique The Godfather (1972) n’a rien d’original, déjà entre autres parodié dans Shark Tale (2004) avec la voix de Robert De Niro. Toutefois, rares sont les dessins animés qui ont si bien joué avec les codes du film d’espionnage. Il y a également des rebondissements authentiques et intelligents qui relancent l’intrigue. Un film qui m’a laissé par moments aphone, pour ne pas dire… à faune!

Verdict : 8 sur 10

Voici les quatre principales étapes nécessaires pour animer les 197 136 planches de storyboard qui ont été dessinées :

Étape 1 : le storyboard

Étape 2 : le layout

Étape 3 : l’animation

Étape 4 : le lightning final