
Le box-office au cinéma : un combat sans merci où les uns prennent la tête et les autres la perdent!
6 juin 2016 6 juin, 2016 @ 18:53:00Le cinéma états-unien, plus précisément celui d’Hollywood avec ses six majors (Universal Pictures, Walt Disney Pictures, Warner Bros. Pictures, 20th Century Fox, Sony Pictures Entertainment et Paramount Pictures), est une véritable machine à sous et connaît les bonnes combinaisons pour aligner trois cerises à tous coups. En témoignent ses budgets se chiffrant par millions et ses revenus se chiffrant par milliards. Au moment d’écrire ces lignes, pas moins de 26 superproductions ont dépassé le seuil symbolique du milliard de dollars (les recettes de Zootopia viennent de mettre fin à un top 25 durant le week-end du 3 au 5 juin 2016) et trois d’entre elles sont montées sur un podium pour avoir rapporté au-delà de deux milliards de dollars. Qu’en est-il de l’avenir du cinéma?
Mis côte à côte, ces deux box-offices montrent plusieurs évidences qui me sautent aux yeux.
En 2009, il n’y avait que quatre titres milliardaires. Un exploit en soi à l’époque. Les six premiers romans de la saga littéraire Harry Potter portés à l’écran accaparaient six positions, ce qui prouve à quel point cette histoire avait un potentiel cinématographique. Depuis 1997, Titanic croyait rester le roi du monde jusqu’à ce que son réalisateur, James Cameron, mette fin à une absence de 12 ans et revienne avec un nouveau projet titanesque : Avatar. Ce film de science-fiction a lancé un engouement sans précédent autour de la technologie 3D, un engouement qui explique en partie le renversement du box-office mondial.
En 2015 seulement, il y a eu cinq titres milliardaires. C’est dire à quel point le box-office est devenu un concours de popularité (bonjour Minions!). Le Marvel Cinematic Universe et les autres franchises de superhéros basées sur des bandes dessinées ont mis fin au star-system (quelques noms survivent tels que Tom Cruise, Brad Pitt, Tom Hanks ou Denzel Washington) et au succès des franchises adaptant des romans jeunesse. Seule la seconde partie de Harry Potter and the Deathly Hallows daigne désormais représenter la saga de J. K. Rowling dans le classement, tandis que The Dark Knight a été relégué de la 4e à la 25e place. Pourquoi Titanic, Jurassic Park et Star Wars: Episode I – The Phantom Menace ont vu leur rentabilité s’accroître? Tout simplement en raison de leur ressortie en salles à la suite d’une conversion en relief, une autre tendance qui semble avoir trouvé preneur auprès d’un certain public nostalgique.
Pour un box-office mondial fiable, il faudrait considérer l’inflation ainsi que l’augmentation tant du nombre de salles disponibles et de la population que du nombre de façons de rendre l’expérience supposément unique (3D, IMAX, UltraAVX, siège D-BOX, et cetera). Ces arnaques doublent et triplent le prix d’entrée habituel, ce qui fait oublier que la qualité d’une entreprise cinématographique tient beaucoup dans ce qu’il raconte (le contenu) et peu dans la manière dont il raconte (le contenant ou la forme).
Le visionnement d’un film devient de plus en plus une activité qui se vit en dehors des salles et de moins en moins une exclusivité qui leur est réservée. Deux tendances diamétralement opposées se profilent d’ailleurs à l’horizon dans un futur rapproché : la transmédialité et l’essor du cinéma à la maison.
LA TRANSMÉDIALITÉ
C’est le rêve ultime des cinéphiles qui aiment se déplacer : combiner plusieurs médias afin de développer des univers narratifs ou encore des franchises, chaque média employé développant un contenu différent et autonome. Une histoire pourrait en temps réel être visionnée par des (télé)spectateurs passifs sur un petit/grand écran et être modifiée par des joueurs actifs dans un monde virtuel en temps réel. Les possibilités de chaque univers transmédiatique n’ont de limite que l’imagination de ses créateurs. De par la diversité des contenus et la profondeur narrative que cela engendre, la narration classique deviendra vite banale.
Sorti le 5 avril 2016, Quantum Break est un bon exemple de cette direction vers laquelle semble s’orienter le cinéma. Offert sur Xbox One et Microsoft Windows, ce film-jeu est le dernier-né du studio finlandais Remedy Entertainment qui est derrière Max Payne, Alan Wake et Death Rally. Il s’agit d’un mélange de jeu vidéo cinématique et de série télé interactive. Selon les choix qu’il fait à l’intérieur du jeu, le joueur influencera (légèrement) le cours des événements et le contenu des épisodes de 20 minutes (il y en a quatre au total) qu’il peut visionner au fil de son aventure.
Voici ce que Gregory Louden, concepteur narratif chez Remedy qui a déjà travaillé à Hollywood sur les effets visuels de films (Gravity, Prometheus, World War Z), avait à dire à ce sujet : « Je crois que le futur des jeux incorporera la narration cinéma et télévisuelle au gameplay. Ce qui implique un cast d’acteurs hollywoodiens, comme dans Quantum Break, des directeurs artistiques et techniques venus du cinéma, des histoires plus élaborées, moins directement centrées sur l’action, etc. L’interactivité sera encore plus forte qu’elle ne l’est aujourd’hui. Quantum Break est une histoire de voyage dans le temps absorbante, racontée à travers les actions du joueur mais également une série télé en épisodes, des chaînes radio, etc. Le futur des jeux ressemblera à un grand mixer. »
En effet, la distribution met en vedette Shawn Ashmore (la saga X-Men, la télésérie Smallville), Aidan Gillen (The Scorch Trials, la télésérie Game of Thrones) et Dominic Monaghan (la trilogie The Lord of the Rings, X-Men Origins: Wolverine, la télésérie Lost). Ils incarnent leur propre personnage au sein du jeu grâce via la capture de mouvement.
L’ESSOR DU CINÉMA À LA MAISON
C’est le rêve ultime des cinéphiles qui n’aiment pas se déplacer : pouvoir visionner, en toute légalité, les nouveautés dans le confort de leur foyer au moment même où ils prennent l’affiche. Le projet, baptisé The Screening Room et révélé le 9 mars 2016 par le magazine américain Variety, est une idée de Sean Parker. Il est bien connu des fans de musique en tant que cofondateur de Napster, un service illégal de partage de fichiers en pair à pair (P2P) qui a fonctionné de juin 1999 à juillet 2001, et des fans de cinéma pour avoir été incarné en 2010 par Justin Timberlake (un chanteur!) dans le film The Social Network.
Son fonctionnement? Pour la modique somme de 150 dollars, vous achetez un terminal connecté et vous l’installez chez vous. Vous déboursez ensuite 50$ pour une location de 48 heures, le jour même où le film désiré sort dans un cinéma pas assez près de chez vous…
Ce mode innovateur de diffusion des nouveautés ne laisse personne indifférent, à commencer par les réalisateurs et les studios. D’un côté, il reçoit les applaudissements approbatifs de Steven Spielberg, Peter Jackson, J.J. Abrams, Martin Scorsese, Ron Howard et Frank Marshall. De l’autre, il suscite un tollé rébarbatif de Christopher Nolan, James Cameron, M. Night Shyamalan, Roland Emmerich et Brett Ratner. Walt Disney Pictures est fermé à l’idée, tandis qu’Universal Pictures, 20th Century Fox et Sony Pictures Entertainment étudient la question.
Depuis 2012, PRIMA Cinema offre déjà ce que The Screening Room tente d’imposer. Nul ne s’est opposé à cette plateforme, puisqu’elle s’adresse à un public des plus richissimes. L’installation de la box PRIMA coûte 35 000 dollars et la location d’un film pour 24 heures environ 500 dollars (600 dollars pour un film en 3D). Ô argent qui reste à la fois le fouet des riches et le boulet des pauvres!
Les spectateurs doivent, plus que jamais, choisir entre deux camps distincts. Avec ou sans 3D? Blockbuster ou cinéma de répertoire? La croissance du cinéma de divertissement et de la vidéo sur demande (VSD) est inversement proportionnelle à la décroissance du cinéma de réflexion et des clubs vidéo. Regardez le box-office mondial : les superproductions laissent les miettes aux productions modestes, des miettes presque exclusivement remportées dans les festivals. Regardez aussi le nombre de SuperClub Vidéotron qui ferment leurs portes : une grande partie des spectateurs sont sédentaires et ne veulent plus se déplacer. Il n’y a pas que les héros dans les films qui ont de superpouvoirs. Les producteurs aussi. Si ces riches hommes blancs décident des films à l’affiche, grâce entre autres à leur argent qui agit sur eux comme la kryptonite avec Superman, ce sont les pauvres spectateurs qui décident de leur succès.
Bref, à l’heure où les franchises se déclinent en une infinité de sequels, de remakes, de prequels, de reboots ou encore de spin-offs, les idées originales n’ont jamais été si infinitésimales. Faut-il jeter un regard optimiste ou pessimiste sur le futur? Je dirai pessimiste devant l’essor du cinéma à la maison et l’ermitage qu’elle favorise, certes, mais également optimiste devant la transmédialité et la socialité qu’elle encourage. L’individualité contre la collectivité, nous ne nous en sortirons pas. En attendant le cinéma de demain, je vous recommande aujourd’hui les sites Box Office Mojo pour connaître quel sera le prochain milliardaire de 2016 et Internet Movie Database pour son top 250 qui s’avère un meilleur gage de qualité. Comme le dit un certain slogan, nous n’avons encore rien vu!
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d’événement, publicités, vidéoclips). Il s’occupe d’ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d’une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l’UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l’UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca