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The Conjuring 2 – Critique du nouveau film d’horreur inspiré des dossiers Warren

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« Dans cette histoire, Ed et Lorraine Warren sont appelés par le Père Gordon qui leur joue une cassette d’un vieil homme paraissant sénile. Quand ils apprennent que cette voix sort de la bouche d’une petite Anglaise de 12 ans, ils partent en Angleterre pour tenter de découvrir de quoi il en retourne. James [Wan] voulait créer un film effrayant mais totalement ancré dans le réel afin de pousser l’horreur à son maximum. »

Cette citation du producteur Peter Safran illustre à la fois l’idée de départ du film The Conjuring 2 et la volonté de son réalisateur. En effet, pendant les trois années qui séparent le film original de cette suite, James Wan (Saw, Insidious, Insidious: Chapter 2, Dead Silence) a fait un détour lucratif du côté des voitures qui vont vite dans Furious 7. Il revient ainsi à ses premiers amours, c’est-à-dire les histoires qui font peur. Même si la majorité des poncifs du film d’épouvante existaient bien avant sa naissance, en 1977, le réalisateur réussit avec son dernier-né à installer un climat anxiogène efficace et à conserver un rythme assez soutenu pour nous offrir un aller simple vers les affres de l’effroi. Quiconque connaît un minimum le cinéma d’horreur, notamment les classiques The Exorcist de 1973, The Amityville Horror de 1979 et Poltergeist de 1982, identifiera plusieurs idées recyclées mille fois et regrettera cet arrière-goût de déjà-vu. Les autres seront fascinés.

Contrairement à la saga Paranormal Activity qui recourt systématiquement à la technique du found-footage pour donner un aspect documentaire et réaliste à sa fiction, The Conjuring 2 s’inspire de faits soi-disant réels. Regardez le score au box-office du premier film : des recettes de 318 millions de dollars contre un budget dérisoire de 20 millions de dollars. C’était donc une question de temps et non d’argent avant que la Warner consente à produire une suite.

Ed et Lorraine Warren ont bel et bien existé, lui étant un démonologue décédé en 2006 et elle une médium toujours en vie. Écrivains spécialisés dans les sciences occultes, ils se présentaient comme des chasseurs de fantômes. Ils se sont penchés sur des milliers de cas (les sources varient entre 4 000 et 10 000) au cours de leur carrière particulièrement active dans les années 70 et 80. Ils sont connus pour leur implication a posteriori dans l’affaire d’Amityville en 1976, laquelle sert de scène pré-générique, et pour le Warrens’ Occult Museum qui rassemble dans une pièce annexe à leur maison à Monroe, au Connecticut, un nombre considérable d’artéfacts maudits reliés à leurs enquêtes. Le plus célèbre d’entre eux reste Annabelle, une poupée de chiffon Raggedy Ann qui a été possédée en 1970 et qui a eu droit à son film solo en 2014.

James Wan a expliqué à Entertainement Weekly : « Ce qui est arrivé à la famille Hodgson est probablement l’un des cas de phénomènes paranormaux les plus étudiés et documentés au monde. »

C’est ce dossier que le film porte à l’écran. En 1977, mandatés par l’Église, les époux Warren se rendent à Londres dans le quartier d’Enfield afin de venir en aide à la famille Hodgson. Peggy, une mère divorcée, y vit seule avec ses quatre enfants dont Janet qui serait la victime d’un poltergeist. Cet esprit maléfique répondrait au nom de Bill Wilkins et aurait 72 ans.

Tout ce qui faisait le charme du film de 2013 est de retour : même réalisateur, mêmes acteurs pour camper le couple de protagonistes (Patrick Wilson et Vera Farmiga), mêmes scénaristes (les jumeaux Carey et Chad Hayes), mêmes producteurs (Peter Safran et Rob Cowan) et même compositeur de musique (Joseph Bishara). Seul poste important qui a changé de nom : Don Burgess (Forrest Gump, The Book of Eli, Spider-Man) plutôt que John R. Leonetti en tant que directeur de la photographie, ce dernier étant parti réaliser le spin-off dispensable Annabelle (6,5 millions de dollars de budget contre 256,87 millions de dollars au box-office). À noter qu’Annabelle 2 est en préparation pour une sortie prévue le 19 mai 2017.

Patrick Wilson (Watchmen, The Phantom of the Opera, la seconde saison de la télésérie Fargo) et Vera Farmiga (The Departed, Source Code, la télésérie Bates Motel) sont encore crédibles dans la peau d’Ed et Lorraine Warren, se prenant un brin trop au sérieux par moments. Je n’ai pas apprécié la tournure de certaines scènes (pourquoi cet « homme tordu » numérique sorti du film d’animation The Nightmare Before Christmas?) et la musique qui les accompagnent (le vinyle de Can’t Help Falling in Love d’Elvis Presley est un peu too much!).

Quant au rôle de Peggy Hodgson, il est bien défendu par Frances O’Connor (A.I. Artificial Intelligence, Timeline). Les enfants s’en sortent tout aussi bien, surtout la petite Madison Wolfe (Joy, Trumbo) en Janet.

La véritable Janet Winter, née Hodgson : « On était une famille très unie. On était de bons enfants. On ignorait l’histoire de la maison avant les évènements. (…) Je crois que si je devais revivre ça, j’en mourrais. »

Presque 40 ans après la tragédie qui a frappé sa famille de la banlieue londonienne, le manque d’explications rationnelles continue de confondre les sceptiques. N’était-ce qu’un tour de passe-passe très habile exécuté par les fillettes? Tout porte à croire que oui, à commencer par les aveux ultérieurs de Janet d’avoir voulu tester les limites des adultes sur place. Ces témoignages contradictoires perdent en crédibilité et le manque de preuves concrètes discrédite leur histoire. Mais il y a pire.

Il existe quatre photographies célèbres montrant la fillette de 11 ans en pleine lévitation. Si nous les faisons défiler à la manière d’un jouet optique tel que le flip book, nous obtenons une animation qui prouve qu’elle aurait simplement sauté de son lit. Regardez attentivement le mouvement de ses cheveux et de ses jambes…

Un simple bout à bout de quatre photographies authentiques et le tour est (dé)joué!

À la suite du succès du film de William Friedkin, la carrière des époux Warren s’est étrangement réorientée. Nos deux chercheurs du paranormal ont délaissé les entités fantomatiques pour se concentrer sur les entités démoniaques, plus à la mode, récoltant au passage des accusations de charlatanisme.

Aujourd’hui, tandis que la photographie et la vidéo sont tantôt des supports modifiables grâce à un ordinateur, tantôt des preuves réfutables, il faut être comme Thomas et le voir pour le croire. Même son de cloche pour un enregistrement audio de piètre qualité avec la voix d’un certain Bill Wilkins…

C’est pour cette raison qu’une des principales forces du film est de montrer les deux côtés de la médaille, en ce sens qu’il montre tant le point de vue des sceptiques (les voisins, les policiers, les médias) que celui des croyants qui pensent encore que quelque chose s’est réellement manifesté durant ce que la presse de l’époque a surnommé « The Enfield Poltergeist ». Reste à savoir qui dit la vérité, qui la cache, qui a voulu mousser sa popularité et qui a seulement voulu s’amuser.

La une du quotidien britannique Daily Mirror a publié le 10 septembre 1977 un article intitulé « The house of strange happenings ».

Pour les curieux, j’ai mis au bas de ma critique trois vidéos qui ont circulé pour promouvoir le film avant sa sortie. La première est un reportage d’époque de la BBC avec les véritables Hodgson. La deuxième est une visite en 360o de la maison. La troisième provient de la chaîne de télévision Sistema Brasileiro de Televisão (SBT) dont la notoriété au Brésil repose sur ses caméras cachées humoristiques.

Bref, The Conjuring 2 conserve le parti pris de préférer la sobriété de moyens aux budgets faramineux, la suggestion à l’exagération (la vague de Saw signée James Wan a fini de déferler) ainsi que le plan-séquence au montage stroboscopique. Certains déplacements de la caméra m’ont d’ailleurs étonné, le tout dans une lenteur qui engendre un suspense haletant qu’une vitesse ne saurait jamais atteindre. Le résultat, loin d’équivaloir au film original, comble les attentes sans les dépasser. Advenant une autre suite, inutile il va sans dire tellement celle-ci évite de peu une catastrophe épouvantable, je crois que je vais (sur)sauter mon tour!

Verdict : 6,66 sur 10

P.S. contenant un spoiler : Les plus attentifs auront remarqué ou remarqueront que, dans la bibliothèque de la maison des Warren, il y a cinq bibelots en forme de lettre qui constituent de gauche à droite le nom de V-A-L-A-K. Ce nom reviendra vers la fin du film. Il s’agit du 62e démon (sur un total de 72) d’une liste qui se retrouve dans l’Ars Goetia, le premier des cinq parties du grimoire Lemegeton écrit au 17e siècle. Selon la goétie, Valak serait responsable des divorces et des relations scandaleuses, ce qui n’est pas sans évoquer le statut de mère monoparentale de Peggy Hodgson…



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