
Sausage Party – Critique du film de Seth Rogen
13 août 2016 13 août, 2016 @ 19:17:20 PMJuin 2016. Dans une salle de cinéma du Brenden Concord 14, en Californie, des enfants accompagnés de leurs parents attendent la projection de Finding Dory. Ils voient une bande-annonce dans laquelle les aliments prennent vie à la manière de Toy Story. Soudain, tout devient violence et vulgarité. Les enfants sont traumatisés, tandis que les parents sont en colère. Ils viennent d’assister, par erreur, à un aperçu de Sausage Party…
C’est ce qu’il convient d’appeler une « débande-annonce ». Walter Eichinger, vice-président des opérations au Brenden Concord 14, a dû s’excuser publiquement pour cette bévue d’un projectionniste. Cette anecdote a fait la une en moins de deux, pour le plus grand plaisir de Seth Rogen, le créateur de ce dessin animé pour adultes, comme le prouve son tweet publié le 29 juin 2016 :
This made my day: "Concord Movie Theatre Apologizes for Showing “Sausage Party” Trailer for “Finding Dory” Crowd" https://t.co/eMGz8gMtg0
— Seth Rogen (@Sethrogen) June 29, 2016
L’histoire se déroule la veille de la fête nationale américaine et met en scène un groupe d’aliments anthropomorphes qui n’ont qu’un rêve, celui de quitter les tablettes du supermarché Shopwell’s dès qu’un client les aura déposé dans son panier. Les humains sont perçus comme des dieux et le monde extérieur comme le paradis. La saucisse Frank (voix de Seth Rogen), le pain hot dog Brenda (voix de Kristen Wiig), la petite saucisse Carl (voix de Jonah Hill), la galette Lavash (voix de David Krumholtz), le bagel Sammy Bagel Jr. (voix d’Edward Norton) et le taco Teresa (voix de Salma Hayek) en sont les personnages principaux. Croquée, découpée, hachée, rappée, ébouillantée, pelée, puis avalée : ils vont découvrir la vérité sur le destin funeste de la nourriture qui a droit à un voyage à sens unique vers l’estomac et plus loin encore!
Classé « 16 ans et plus » par la Régie du cinéma du Québec et « R » par la Motion Picture Association of America aux États-Unis, Sausage Party fait un doigt d’honneur à Disney, Pixar et DreamWorks en parodiant leurs succès entièrement réalisés en images de synthèse 3D. Les adultes sont ainsi le public ciblé, à condition qu’ils mettent leur cerveau en veilleuse et soient accompagnés de leur cœur d’enfant!
Paul Rudd, Jonah Hill, James Franco, Seth Rogen et David Krumholtz prêtent leur voix à des personnages de Sausage Party.
Seth Rogen s’est entouré de ses collaborateurs habituels du Frat Pack, plus précisément du Team Apatow, pour la voix de certains personnages dans la version originale : Jonah Hill, James Franco, Michael Cena et Paul Rudd, pour ne nommer que ceux-là. Des amis avec qui il a développé des bromantic comedies telles que The Interview en 2014, This Is the End en 2013, Pineapple Express en 2008, Superbad et Knocked Up en 2007 ou encore The 40 Year Old Virgin en 2005. À noter qu’Apatow est le patronyme de Judd Apatow, producteur et réalisateur émérite qui a lancé la carrière de Seth Rogen, Steve Carell, Paul Rudd, Jonah Hill et Jason Segel.
Pour Sausage Party, Rogen a écrit l’histoire avec Evan Goldberg et Jonah Hill ainsi que le scénario avec Evan Goldberg, Kyle Hunter et Ariel Shaffir. Quant à la réalisation, elle revient à Conrad Vernon (Shrek 2, Madagascar 3: Europe’s Most Wanted, Monsters vs. Aliens) et Greg Tiernan (Thomas & Friends). Vernon, qui incarne ici un rouleau de papier toilette et un gâteau fourré à la crème, a aussi personnifié Gingerbread Man dans la tétralogie Shrek et Mason dans la trilogie Madagascar.
Dans la version doublée au Québec, les humoristes Réal Béland et Adib Alkhalidey sont allés en studio. Si le premier prête sa voix à une douche vaginale et une bouteille de Téquila, le second a fait la même chose pour Lavash et Monsieur Grits.
Adib Alkhalidey : « Jusque-là, je pense que le film d’animation en général avait pour mandat de divertir principalement la jeunesse. C’est sûr que les studios ont toujours trouvé le moyen que ça plaise à tout le monde, parfois même un adulte pouvait encore plus apprécier le sous-texte qu’un enfant. Il n’y a pas de demi-mesure, je n’ai pas du tout l’impression qu’on essaie d’aller chercher deux publics. »
Réal Béland se cache derrière la voix des personnages Douche et Téquila, tandis qu’Adib Alkhalidey derrière la voix des personnages Lavash et Monsieur Grits.
Je ne pensais pas écrire un jour que j’avais hâte de voir la saucisse de Seth Rogen. Hé bien oui, mais j’ai été vraiment déçu. Là où la bande-annonce donnait un avant-goût prometteur, le film en soi laisse un arrière-goût amer, comme si nous nous étions fait avoir par un concept intéressant qui reste en surface. C’est d’autant plus surprenant qu’il y a de bonnes idées, surtout la séquence où les personnages tombés au sol revisitent le débarquement en Normandie de Saving Private Ryan sur une plage de farine. Quelques clins d’œil sont aussi adressés à droite et à gauche, dont celui à Stephen Hawking, devenu ici une gomme mâchée, qui reprend sa forme à l’image du T-1000 dans Terminator 2: Judgment Day. À noter la présence du chanteur Meat Loaf qui interprète son succès I’d Do Anything for Love sous la forme d’un pain de viande…
En guise de scène de fermeture, cet anti Pixar propose une orgie gastronomique entre différents produits alimentaires. Elle est inutilement explicite, en ce sens que les 80 minutes précédentes préfèrent suggérer les connotations sexuelles dans les dialogues ou se servir de métaphores. Seth Rogen commente : « Si nous avons eu l’idée de faire un film d’animation sur une saucisse et un pain hot dog à 12 h, à 12 h 02 nous avons pensé à l’orgie. […] Il y a un pain pita dont vous pouvez voir les boules pendant l’orgie et ils nous ont demandé d’en retirer les poils. Nous avons donc rasé numériquement les boules du pain pita. »
Son budget est cinq fois moins élevé qu’un Pixar qui dépasse habituellement les 100 millions de dollars, soit 19 millions de dollars. Rapportera-t-il autant au box-office mondial ou cinq fois moins? À mon avis, il restera inférieur. Tous les gens dans la salle étaient déçus ou perplexes, ce qui augure un bouche à oreille des plus défavorables!
Objets inanimés, avez-vous donc une âme? Cet alexandrin d’Alphonse de Lamartine, tiré du quatrième quatrain de son poème Milly ou la terre natale, résume à lui seul l’idée de départ de Sausage Party et Toy Story, lequel est sorti il y a plus de deux décennies. Les deux films d’animation suivent sensiblement le même arc narratif, quoique celui créé par Seth Rogen emprunte des chemins plus caustiques. Les personnages vivent bizarrement ce que les petits extraterrestres verts en caoutchouc de Toy Story vivent en attendant d’être choisis par le « crochet » du Space Crane (l’équivalent futuriste d’une machine à toutous), sans imaginer qu’ils finiront dans la bouche du chien de Sid…
Frank doit son nom à l’abréviation de « Frankfurter Würstchen », mots allemands donnés à la saucisse de Francfort qui se veut à la fois fumée, précuite et faite à base de pâte de porc. Il s’agit donc d’un synonyme de saucisse, étymologie intéressante à souligner. Le titre renvoie d’ailleurs à l’expression « sausage party » qui signifie, en argot, une soirée où il y a plus de garçons que de filles et donc potentiellement moins de chance de conclure pour la gent masculine.
Bref, Sausage Party se présente comme un film d’horreur pour végétariens. Il ressemble drôlement à ce que Disney/Pixar fait de mieux, mais ce n’est justement qu’une ressemblance. J’ai à peine esquissé un sourire, c’est tout dire. Seth Rogen et ses amis testent les limites élastiques de l’humour et cet élastique leur pète en pleine face, troquant leur QI pour du KY. Autrement dit, s’ils semblent vouloir faire réfléchir sur les tenants et les aboutissants de l’existence des aliments, en particulier le sort que nous leur réservons une fois les portes de l’épicerie franchies, je dirais plutôt qu’ils se sont contentés de rester « tannants et abrutissants ». Un navet plus comestible au petit écran qu’au grand écran…
Verdict : 6 sur 10
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d’événement, publicités, vidéoclips). Il s’occupe d’ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d’une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l’UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l’UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca