
Arrival – Critique du nouveau film de Denis Villeneuve
12 novembre 2016 0 Par Louis-Philippe Coutu-Nadeau 12 novembre, 2016 @ 20:10:43Arrival est le « premier contact » du réalisateur québécois Denis Villeneuve avec la science-fiction, un baptême du feu avant son immersion totale dans le genre grâce au très attendu Blade Runner 2049 dont la sortie est prévue le 6 octobre 2017. Il signe au passage un film inattendu et intelligent, épuré des effets spéciaux inutilement pompeux qui polluent la SF depuis l’essor des blockbusters du Marvel Cinematic Universe et du DC Extended Universe, voire tout simplement depuis l’avènement du numérique. La preuve : les vaisseaux arrivent sur Terre de la façon la moins sensationnelle possible.
Voici l’histoire. Quand douze mystérieux vaisseaux spatiaux débarquent à douze endroits un peu partout sur la surface du globe, le Colonel Weber (Forest Whitaker) recrute l’experte en linguistique Louise Banks (Amy Adams) et le scientifique Ian Donnelly (Jeremy Renner) afin d’enquêter sur les intentions de ces êtres venus d’ailleurs. Sont-ils de pacifistes visiteurs ou de belliqueux envahisseurs? L’humanité est au bord d’un conflit à l’échelle mondiale, ce qui oblige Banks et Donnelly à se lancer dans une course contre la montre à la recherche d’indices et de réponses.
Le rêve américain du réalisateur québécois trifluvien Denis Villeneuve se poursuit de plus belle avec Arrival, et ce, à la suite du succès mérité des films Sicario et Prisoners. Le huitième titre de sa filmographie brille par l’originalité tant de son contenu que de sa forme, avec un budget avoisinant les 50 millions de dollars.
Amy Adams (Batman v Superman: Dawn of Justice, American Hustle, Enchanted) est excellente en spécialiste du langage et prouve à quel point Villeneuve sait façonner des rôles féminins sur mesure pour ses actrices. En témoignent ceux de Pascale Bussières dans Un 32 août sur terre, de Marie-Josée Croze dans Maelström ou de Lubna Azabal dans Incendies. Une sixième nomination aux Oscars pour Adams?
Le reste de la distribution comprend Jeremy Renner (Captain America: Civil War, The Bourne Legacy, Mission: Impossible – Rogue Nation), Forest Whitaker (The Last King of Scotland, Taken 3, Southpaw) et Michael Stuhlbarg (A Serious Man, Steve Jobs).
Eric Heisserer s’est fait un nom dans le registre horrifique en signant le scénario de Lights Out et Final Destination 5, en plus de faire la relecture des films cultes The Thing et A Nightmare on Elm Street. Cette fois-ci, il s’est basé sur le roman Story of Your Life écrit par Ted Chiang et publié en 1998. Le résultat est parfait, de loin son meilleur récit qui a tout pour rendre jaloux le M. Night Shyamalan d’avant 2005, dans la lignée du film The Sixth Sense en ce qui a trait au twist final. Soit dit en passant, le titre de l’adaptation est devenu Arrival en raison de test audiences qui désapprouvaient Story of Your Life.
La facture visuelle d’une rare qualité revient au directeur artistique Patrice Vermette (Sicario, Prisoners, C.R.A.Z.Y., 1987, The Young Victoria) et au directeur de la photographie Bradford Young (Selma, Pawn Sacrifice). Ce dernier s’est inspiré du travail de la photographe scandinave Martina Hoogland Ivanow, notamment la série de clichés intitulée Speeway, pour obtenir un éclairage réaliste tout en lumière diffuse et en obscurité pathologique, avec un résultat profondément psychologique.
Quant aux heptapodes, nom attribué aux étrangers en raison de leurs sept tentacules, ils doivent leur apparence au dessinateur Carlos Huante qui a entre autres collaboré aux films Prometheus, War of the Worlds, Signs, Men in Black, Men in Black II, The Mummy et Blade: Trinity. Il était temps que quelqu’un mette de côté l’idée préconçue des petits hommes verts ou des grandes figures efféminées blanches dotées de yeux noirs.
Villeneuve au sujet de Huante : « J’ai tout de suite su que son travail correspondait à ce que je recherchais ; la créature qu’il avait dessinée avait une âme, une présence, une aura de mystère mais elle était aussi très originale, c’était la première fois que je voyais des formes pareilles. »
Est-ce que les vaisseaux ont la forme d’un galet? Ou celle du bonbon de réglisse norvégien lakrisbåter? Ou celle de l’astéroïde (15) Eunomie situé entre Mars et Jupiter dans la Ceinture d’astéroïdes? La réponse est tout cela à la fois. En effet, leur design frappe par leur forme ovoïde qui les entoure d’une aura de mystère qui résonne comme le monolithe dans 2001: A Space Odyssey.
L’agenda de Denis Villeneuve est bien rempli. Entièrement filmé au Québec, le tournage d’Arrival s’est déroulé de juin à août 2015, soit un peu après la présentation de Sicario au Festival de Cannes le 19 mai 2015 et un peu avant de prendre les commandes de Blade Runner 2049. Il a posé son trépied dans la municipalité de Saint-Fabien, dans le Bas-Saint-Laurent, ainsi que sur l’île Cadieux, à Lachine et à Montréal.
L’intérieur d’un vaisseau a vraiment été construit pour les besoins du tournage. Il s’agit d’un tunnel de 45 mètres de long au bout duquel se trouve la salle de communication équipée de l’écran derrière lequel baignent Abbott et Costello (surnom donné à deux extraterrestres par Donnelly). Ceux-ci ont recours à un dialecte rappelant les taches d’encre du test de Rorschach. Métaphoriquement parlant, ce décor unique en son genre ressemble en quelque sorte à une salle obscure qui projette un film sur un écran, lequel communique avec les spectateurs via un langage particulier, en l’occurrence le langage cinématographique.
Pourquoi un clin d’œil à Abbott et Costello, duo comique populaire au petit et au grand écran dans les années 40 et 50? À mon humble avis, ce choix n’a rien d’anodin dans la mesure où ces deux personnages n’arrivaient jamais à s’entendre sur rien, à établir un dialogue cohérent à l’image des visiteurs/envahisseurs et des êtres humains dans le film de Villeneuve.
Bref, avec Arrival, on a droit à un Interstellar inversé, un adroit mélange d’idées issues de Close Encounters of the Third Kind, Signs, Independence Day et Inception. J’ai adoré l’utilisation particulière des « flashbacks » dans une espèce de linéarité antichronologique et la manière dont le revirement final est amené de main de maître. À l’accusation qui affirme m’obliger à revoir le film pour en dénombrer toutes les subtilités, non pas parce qu’il est incompréhensible au premier visionnage, je plaide coupable!
Verdict : 9 sur 10
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d’événement, publicités, vidéoclips). Il s’occupe d’ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d’une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l’UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l’UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca
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À propos de l’auteur
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d'événement, publicités, vidéoclips). Il s'occupe d'ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d'une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l'UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l'UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca