
Split – Critique du film de M. Night Shyamalan
28 janvier 2017 28 janvier, 2017 @ 10:09:03Kevin Wendell Crumb (James McAvoy), un homme souffrant d’un trouble dissociatif de l’identité (TDI), a déjà révélé 23 personnalités à sa psychiatre Karen Fletcher (Betty Buckley), parmi lesquelles Dennis, Patricia, Hedwig, Orwell et Jade. Chacune possède des caractéristiques qui lui sont propres. Poussé à kidnapper trois adolescentes, dont la déterminée et perspicace Casey Cooke (Anya Taylor-Joy), Kevin devient le théâtre d’une guerre sans merci que se livrent ses multiples alter ego. Or, il semble qu’une 24e déclinaison de lui-même frappe à la porte et ne demande… qu’à sortir!
Adoré par les uns et abhorré par les autres, le réalisateur M. Night Shyamalan tente en vain d’effacer cette image d’héritier d’Alfred Hitchcock qui lui colle à la peau depuis près de 20 ans, soit depuis le succès de son chef-d’œuvre The Sixth Sense en 1999. Comme son prédécesseur, il privilégie le thriller à twist. Comme son prédécesseur, il aime s’octroyer un rôle le temps d’une apparition surprise, mais dans son cas il s’agit souvent d’un rôle secondaire et non d’un simple caméo. Contrairement à son prédécesseur, il ne souhaite pas consacrer sa carrière au genre cinématographique qui l’a consacré à l’âge de 29 ans, ce qui se veut d’ailleurs le principal reproche que plusieurs fans invétérés (devrais-je dire invertébrés?) s’évertuent à lui faire.
En effet, ces détracteurs nostalgiques ont vu d’un mauvais oeil cet éloignement de son statut de « nouveau maître du suspense » pour se lancer dans des superproductions plus familiales telles que The Last Airbender en 2010 et After Earth en 2013, lesquelles usent et abusent des effets spéciaux numériques. S’il l’a fait, c’est uniquement pour ses enfants. Il n’est d’ailleurs pas le seul cinéaste à proposer un contaste aussi radical dans sa filmographie. Je pense ici à George Miller (de la saga Mad Max aux deux Happy Feat et Babe: Pig in the City) ou à Robert Rodriguez (de la trilogie El Mariachi, les deux Sin City et les deux Machete à The Adventures of Sharkboy and Lavagirl 3-D et la tétralogie Spy Kids). C’est dire combien il n’est pas conseillé de juger un réalisateur sur un seul de ses films!
Depuis The Visit en 2015, ces mêmes détracteurs sont néanmoins ravis de son grand retour et peuvent oublier ce détour (passager?) par le blockbuster. Shyamalan préfère les films à petit budget afin de conserver une liberté créatrice et se concentrer sur l’histoire. La preuve : The Visit n’a coûté que cinq millions de dollars (contre 98,45 millions de dollars au box-office) et Split neuf millions de dollars…
Shyamalan au sujet du choix de l’acteur principal : « The Silence of the Lambs m’a montré l’importance d’avoir des acteurs de talent dans des rôles aussi terrifiants. Anthony Hopkins hante le film. Tout comme Kevin Spacey l’a fait dans Seven ou Anthony Perkins dans Psycho. C’est pour cela qu’il me fallait quelqu’un de la stature de James McAvoy pour Split. Le défi d’incarner un personnage avec 24 personnalités n’est pas accessible à tout le monde. »
Il est vrai que le choix de James McAvoy (X-Men: First Class, X-Men: Days of Future Past, X-Men: Apocalypse, Wanted) était tout désigné tellement il s’est investi corps et âme dans chacune des identités dissociatives qui prennent tour à tour le contrôle de Kevin. Il est tout simplement génial. Elle me semble loin cette époque où il jouait le faune Tumnus dans The Chronicles of Narnia: The Lion, the Witch and the Wardrobe!
Betty Buckley, qui retrouve Shyamalan neuf ans après The Happening, résume sa participation comme suit : « Le docteur Fletcher s’est donnée pour mission d’aider cet homme a trouver une identité centrale qui lui permette d’intégrer et de réconcilier toutes les déclinaisons de lui-même. Chacune de ses personnalités pense et se comporte différemment, a des motivations qui lui sont propres. C’est un trouble mental déroutant et mon jeu devait sonner juste. »
Quant à la jeune Anya Taylor-Joy (The Witch, Morgan), elle est promise à un grand avenir du haut de ses 20 ans. Dommage toutefois que les deux autres adolescentes incarnées par Haley Lu Richardson et Jessica Sula soient aussi superflues et superficielles, en ce sens que la première se contente de montrer son soutien-gorge en dentelle et la seconde sa petite culotte.
Shyamalan se cache derrière la scénarisation de chacun de ses films. Pour son dernier-né, il s’est inspiré de l’histoire vraie de Billy Milligan, un jeune homme arrêté pour viol dans l’Ohio en 1977 et jugé non responsable de ses crimes en raison de son syndrome de personnalité multiple. Cette affaire a fait l’objet du livre The Minds of Billy Milligan écrit par Daniel Keyes en 1981. À noter qu’un projet en développement prévoit (ou plutôt prévoyait?) le porter à l’écran avec Leonardo DiCaprio sous le titre The Crowded Room.
Shyamalan au sujet des patients diagnostiqués de TDI : « Avec le trouble dissociatif de l’identité, chaque personnalité croit en sa propre existence, à 100%. Si l’une d’elles est persuadée d’être diabétique ou d’avoir du cholestérol, son corps peut-il en être affecté? La question fait débat. Personnellement, je crois que oui. Et si l’une des personnalités croit qu’elle possède des pouvoirs surnaturels? »
À la lumière des faits qu’il écrit lui-même ses scénarios et qu’il a un penchant pour les films pour tous, saviez-vous qu’en 1999 Shyamalan a coécrit Stuart Little en collaboration avec Greg Brooker? Ce n’est donc pas depuis hier qu’il s’intéresse à autre chose que le thriller à twist!
Shyamalan au sujet de son prochain film, possiblement une suite à Unbreakable sorti en 2000 : « Je me suis occupé de ces histoires de droits, ce qui explique pourquoi je peux me lancer dans une suite aussi longtemps après. En fait, je détiens des droits pour toutes les suites de mes films, au cas où. Comme ça, personne ne pourra les tourner sans ma permission. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour que ce soit un contrat sur le long terme, car je ne voulais pas découvrir 20 ans plus tard que quelqu’un pourrait faire une suite sans mon accord. Ça m’énerverait beaucoup. »
Bref, Split complète mon top 5 des films ayant pour protagoniste/antagoniste un individu atteint de TDI aux côtés de Psycho, Fight Club, Shutter Island et Identity. Il confirme au passage que Shyamalan marche bel et bien sur le chemin de la rédemption cinématographique. Mieux, le retournement final de ce nouveau chef-d’œuvre a l’effet d’une bombe à la manière d’un casse-tête dont il ne manquerait qu’un morceau donné à la dernière seconde. Le résultat n’est cependant pas exempt de longueurs ni de défauts, mais il reste à voir ne serait-ce que pour le jeu de McAvoy.
Verdict : 18,4 sur 23 (ou 8 sur 10 pour qui tient en horreur les produits croisés!)
P.S. : Je vous recommande de voir ou revoir Unbreakable avant de voir Split.