
The Mummy – Critique du film avec Tom Cruise
11 juin 2017 0 Par Louis-Philippe Coutu-Nadeau 11 juin, 2017 @ 22:00:28Lorsque j’ai vu le nom de Tom Cruise associé à un blockbuster tel que The Mummy, je me suis dit qu’il y avait anguille sous roche pour qu’un acteur de son calibre accepte de participer à cette version revisitée du monument de l’horreur. L’anguille en question, dévoilée au public depuis par Universal, devait combler nos attentes monstrueuses : un univers étendu à l’image du Marvel Cinematic Universe de Disney ou du DC Extended Universe de la Warner. Son nom? Le Dark Universe!
La Momie, le Comte Dracula, le Docteur Frankenstein (accompagné de sa Fiancée et de son célèbre Monstre), le Loup-Garou, l’Homme Invisible, le Bossu de Notre-Dame, le Fantôme de l’Opéra, l’Étrange Créature du Lac Noir ou encore Docteur Jekyll et Mister Hyde. Voilà les principaux Universal Monsters qui ont fait la fierté d’Universal de 1923 à 1960 et qui reviendront hanter nos salles obscures. Du Frankenstein de Mary Shelley (1818) au Dracula de Bram Stoker (1897), en passant par Notre-Dame de Paris de Victor Hugo (1831), Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde de Robert Louis Stevenson (1886) et Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux (1910), ce sont surtout des chefs-d’œuvre de la littérature fantastique qui ont contribué à étoffer ce catalogue de visages emblématiques. Les nababs du plus vieux studio hollywoodien ne sont pas plus fous que les autres majors, en ce sens qu’ils réclament eux aussi leur part du gâteau afin de surfer sur la vague des univers étendus reliant nombre de films entre eux (tantôt des spin-offs centrés sur tel ou tel personnage, tantôt des crossovers les réunissant), une vague lancée par Star Wars et popularisée par le MCU. Là où il y a de l’argent à faire, il y a des hommes d’affaires prêts à recycler des histoires protéiformes qui ont jadis fonctionné à l’écrit ou à l’écran.
Il faut remonter le temps de 85 ans pour voir The Mummy avec le légendaire Boris Karloff. Ce film culte de Karl Freund s’inspirait d’un fait historique et non d’un roman, à savoir la prétendue malédiction dont auraient été victimes les archéologues entrés dans le tombeau du pharaon Toutânkhamon le 26 novembre 1922. Quatre suites directes ont vu le jour sous la bannière Universal : The Mummy’s Hand en 1940 avec Tom Tyler ainsi que The Mummy’s Tomb en 1942, The Mummy’s Ghost en 1944 et The Mummy’s Curse en 1944. Ces trois derniers mettaient en vedette Lon Chaney Jr. sous les bandelettes de la Momie revenue d’entre les morts.
De 1959 à 1971, la société Hammer Film Productions a repris le flambeau avec quatre autres productions cinématographiques : The Mummy en 1959 avec Christopher Lee, The Curse of the Mummy’s Tomb en 1964 avec Dickie Owen, The Mummy’s Shroud en 1967 avec Eddie Powell et Blood from the Mummy’s Tomb en 1971 avec Valerie Leon.
En 1999, Stephen Sommers a proposé le remake The Mummy qui a ensuite engendré deux suites : The Mummy Returns en 2001 et The Mummy: Tomb of the Dragon Emperor en 2008. Or, ces trois longs métrages avec Brendan Fraser en tête d’affiche se rapprochaient d’une aventure d’Indiana Jones et s’éloignaient de l’ambiance expressionniste présente dans le film original de 1932. De cette trilogie qui a généré 1,25 milliards de dollars au box-office est né un spin-off consacré au Roi Scorpion (campé par Dwayne Johnson quand il luttait pour se départir de son nom de scène The Rock) qui s’est lui-même décliné en trois navets distribués direct-to-DVD.
Après douze titres officiels et quatre titres officieux, il était temps que le monstre sacré retrouve ses hiéroglyphes de noblesse. Ce n’est malheureusement pas le cas. Loin de là.
Voici le synopsis de ce fiasco :
Nick Morton (Tom Cruise) est un membre d’élite de l’armée américaine. Il est chargé de localiser le bunker d’un groupe terroriste dans le désert en Irak. Il y découvrira la momie d’Ahmanet (Sofia Boutella). Bien qu’elle ait été consciencieusement enterrée dans un tombeau au fin fond d’un insondable désert, cette princesse de l’ancienne Égypte revient à la vie grâce à un pacte avec le dieu Seth et va déverser sur notre monde des siècles de rancœurs accumulées et de terreur dépassant l’entendement humain.
Alex Kurtzman est le responsable derrière The Mummy. Il a réalisé People Like Us, certes, mais reste surtout connu pour son talent d’écriture avec une liste impressionnante de scénarios comprenant, entre autres, The Island, Star Trek, Star Trek Into Darkness, Transformers, Transformers: Revenge of the Fallen, The Amazing Spider-Man 2 et Mission: Impossible III. Cette fois-ci, le véritable problème réside justement au niveau de la préproduction en raison d’une scénarisation à six têtes et à douze mains. En effet, l’histoire a été écrite par Alex Kurtzman, Jon Spaihts et Jenny Lumet, puis elle a été développée sous forme de scénario par Christopher McQuarrie, David Koepp et Dylan Kussman. C’est ce qui explique le surplus d’idées pas toujours géniales (les yeux pourvus de quatre iris utilisés à des fins d’hameçon promotionnel) et le manque de cohérence entre elles (à qui revient la faute des momies zombiesques, créatures vues dans une centaine de films?). Il me semble qu’un film devrait s’auto-suffire plutôt que de crouler sous la pression de devoir introduire ses successeurs et leur servir de pont. C’était déjà un défaut des décevants Batman v Superman: Dawn of Justice et… The Amazing Spider-Man 2.
En raison de son budget de 125 millions de dollars et de son statut de volet inaugural d’un vaste univers en devenir, The Mummy a trop de poids sur ses frêles épaules. Sa mauvaise réception vis-à-vis des spectateurs oblige son score au box-office mondial à atteindre des sommets, sans quoi Universal n’ira pas de l’avant avec son calendrier de sorties. La présence de Tom Cruise au générique représente une valeur sûre susceptible de conjuguer gens et argent, mais il ne peut pas conjurer la malédiction d’un énième film qui vise haut plutôt que de viser juste. Tom semble plutôt perdu au milieu d’un montage maladroit mêlant hallucinations et flashbacks. Je ne comptais plus le nombre de fois où son personnage demandait « Qui? » ou « Quoi? » aux autres, en particulier son ami Chris (Jake Johnson) sorti tout droit d’An American Werewolf in London ou sa soi-disant copine Jenny (Annabelle Wallis) avec qui la chimie n’opère pas à nos yeux.
Si la rentabilité est au rendez-vous malgré tout, la tagline Welcome to a new world of gods and monsters prendra alors de l’importance. À noter qu’il s’agit d’une citation du Docteur Jekyll (Russell Crowe) empruntée au Docteur Pretorius (Ernest Thesiger) dans Bride of Frankenstein, un classique de 1935 qui devrait être le prochain projet du Dark Universe. Celui-ci est prévu non sans humour pour la Saint-Valentin 2019, laissant ainsi le délai nécessaire pour apporter nombre de modifications. À la manière du Nick Fury de Samuel L. Jackson avec le SHIELD, le Jekyll de Crowe tire les ficelles depuis son organisation secrète du Prodigium. C’est lui qui servira de fil conducteur entre les différents films. Son côté obscur, Mister Hyde, devrait aussi gagner en importance au fur et à mesure que le Dark Universe étendra ses tentacules. Dommage toutefois que ce personnage manichéiste soit aussi présent. Universal aurait dû prendre son temps et se concentrer sur la Momie plutôt que de bousculer les choses.
Donna Langley, la présidente d’Universal, doit regretter ses mots quant à l’avenir du Dark Universe : « Nous sommes extrêmement fiers de la créativité et de la passion qui ont inspiré la réimagination des monstres emblématiques d’Universal. Nous étendrons cette série stratégiquement. L’entreprise développée par Chris Morgan (le scénariste de la saga Fast and Furious depuis le troisième film, NDLR) et Alex Kurtzman permettra à chacun des chapitres ultérieurs, de trouver le casting parfait au bon moment. Ainsi que les cinéastes et la vision pour l’accomplir. »
Boris Karloff, Bela Lugosi, Lon Chaney, son fils Lon Chaney Jr. et Claude Rains sont devenus des stars à l’époque grâce aux Universal Monsters, tandis qu’aujourd’hui des stars déjà connues ont été appelées en renfort pour maximiser le retour sur investissement des producteurs. Outre Tom Cruise, Russell Crowe et Sofia Boutella (révélée dans Kingsman: The Secret Service), le Dark Universe a réussi à convaincre Javier Bardem et Johnny Depp (les vedettes de Pirates of the Caribbean: Dead Men Tell No Tales) de prêter leurs traits respectivement au Monstre de Frankenstein et à l’Homme Invisible dans des films ultérieurs. Angelina Jolie et Dwayne Johnson (il bouclerait ainsi la boucle d’un nœud de pendaison!) seraient courtisés pour incarner la Fiancée de Frankenstein et le Loup-Garou. C’est sans compter Michael Fassbender, Jennifer Lawrence et Charlize Theron qui sont dans la mire du studio. À grands budgets correspondent grandes distributions, non?
Résultat raté? Non. Maladroit? Oui, mais les têtes pensantes du Dark Universe ont deux ans pour de se retrousser les manches et chercher des solutions. À moins qu’Universal décide d’enterrer sa franchise sans possibilité de résurrection, oubliant au passage que, en 2008, les premiers balbutiements du MCU ont proposé The Incredible Hulk. Soit dit en passant, comment une Momie vieille de 5 000 ans peut-elle avoir envie de régner sur les pyramides de Gizeh construites il y a 4 500 ans? Je pose simplement la question, tout en me disant que Karloff doit se retourner dans son sarcophage…
Bref, The Mummy prouve qu’il se veut un reboot et non un remake, puisqu’il modernise l’idée de départ du film original et l’amène dans une autre direction : un cul-de-sac. Il se veut aussi davantage un film épouvantable avec des scènes d’action qu’un film d’épouvante avec des scènes de frissons (c’était pourtant l’une des promesses initiales). Le point de vue des civils n’est jamais abordé, ce qui est bizarre quand une scène de dommages collatéraux nous est pourtant montrée. Cela en dit long sur ce que le Dark Universe pense du commun des mortels à l’intérieur du film et… à l’extérieur.
Verdict : 4 sur 10
Post-scriptum : Mention spéciale à la scène de l’écrasement d’avion au cours de laquelle Tom Cruise survit exactement comme Bruce Willis dans Unbreakable. Il s’agit de la chute libre en gravité zéro d’un Airbus A310 de la société Novespace. Plus épeurant que le reste de ce supplice de 110 minutes.
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d’événement, publicités, vidéoclips). Il s’occupe d’ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d’une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l’UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l’UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca
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À propos de l’auteur
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d'événement, publicités, vidéoclips). Il s'occupe d'ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d'une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l'UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l'UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca