
Valérian – Critique du film de Luc Besson
22 juillet 2017 22 juillet, 2017 @ 23:57:34

En ces temps de proximité ethnographique rendue possible grâce à notre prospérité technologique, un simple clic suffit pour déployer l’éventail de nos connaissances acquises. À la question de savoir si le film Valerian and the City of a Thousand Planets s’est contenté de faire du copier-coller avec quelques idées de Star Wars, je répondrai que plusieurs idées de George Lucas ressemblent drôlement à la bande dessinée Valérian et Laureline que Luc Besson vient d’adapter et qui est publiée depuis 1967, soit une décennie avant la saga de la famille Skywalker. C’est dire combien il est important de mâcher ses mots avant de les lâcher!
C’est le 9 novembre 1967 que la bande dessinée franco-belge Valérian, agent spatio-temporel, écrite par Pierre Christin et dessinée par Jean-Claude Mézières, deux amis d’enfance, est publiée pour la première fois. Il s’agissait de deux pages dans le numéro 420 du magazine hebdomadaire Pilote. Les planches ont ensuite été éditées en album chez Dargaud à partir de 1970 et coloriées par Évelyne Tranlé, la sœur de Mézières. La série a été rebaptisée Valérian et Laureline en 2007, à l’occasion du 40e anniversaire, donnant enfin au personnage féminin l’importance qui lui revenait, et compte 23 albums à ce jour.
Luc Besson était jeune lorsqu’il a découvert cette fantastique histoire : « À 10 ans j’achète Pilote, et je tombe sur les deux premières pages de Valérian, ça m’intrigue et j’attends la semaine qui suit et j’ai deux pages suivantes, ça commence à se dessiner, je tombe amoureux de Laureline et à partir de la troisième semaine je suis accro et je ne vais pas lâcher pendant quasiment vingt ans. »
À Noël 1991, Besson a demandé à Mézières de l’aider à concevoir des croquis de décors pour un projet en développement. Il lui a dit qu’il voulait l’engager plutôt que le plagier, argument qui a grandement plu au dessinateur. C’est ainsi de l’imagination de Mézières que proviennent les taxis volants dans The Fifth Element (1997), une idée qui se retrouvait à l’origine parmi les notes destinées au 15e album paru en 1994 et intitulé Les Cercles du pouvoir.
Besson au sujet de la révolution numérique qui s’est effectuée depuis deux décennies : « Avec The Fifth Element, j’ai vraiment eu l’impression de réaliser le dernier film de science-fiction ‘vieille école’, comme si je faisais le dernier film en noir et blanc avant le passage à la couleur. J’ai donc toujours été un peu frustré de ne pas avoir pu faire un film avec les mêmes outils que les autres. Et là, avec Valérian, j’ai enfin les mêmes outils, ce qui me permet de réaliser 2 734 effets visuels, là où The Fifth Element n’en comptait que 188. »


Voici le synopsis de ce space opera :
En 2740, Valérian (Dane DeHaan) et Laureline (Cara Delevingne) sont deux agents spatio-temporels chargés de maintenir l’ordre dans les territoires humains. À bord de leur vaisseau, l’Intruder, ils sillonnent l’espace afin d’accomplir les différentes missions que leur confie le Pouvoir Central. Cette nouvelle aventure les mène sur la cité intergalactique Alpha (Galaxity dans les BD) qui abrite 17 millions d’individus venant des quatre coins de l’univers. Près de 8 000 espèces y échangent leurs connaissances, leurs technologies et leurs pouvoirs. Le pire endroit pour mener une enquête…
Besson a décidé de porter à l’écran le 6e album, L’Ambassadeur des Ombres, et de s’approprier le titre du 2e album, L’Empire des mille planètes. Il a pris soin de remplacer « Empire » par « Cité » afin de parer à toute confusion avec Star Wars. Il attendait depuis longtemps que la technologie soit assez avancée pour se mettre au service de ses idées, ce qui lui a permis de ne pas lésiner sur les effets spéciaux et d’atteindre une folie visuelle impressionnante. À noter que la compagnie québécoise Rodeo FX a contribué au résultat final.
Besson planchait déjà sur son scénario en 2009, et ce, avant de vraiment y mettre un point final le 15 juin 2015 : « Quand j’ai vu Avatar, j’ai jeté le script à la poubelle. C’était trop normal, pas assez bon. Tous les réalisateurs doivent remercier James Cameron parce que tous les cinq ans il sort un film qui nous pousse à nous dépasser. »
Dane DeHaan (Chronicle, The Amazing Spider-Man 2) et Cara Delevingne (Suicide Squad, Paper Towns) prêtent leurs traits à Valérian et Laureline. Leur chimie fonctionne à merveille, ce qui s’avère un gros avantage entre deux scènes d’action. La chanteuse Rihanna saisit une nouvelle chance de prouver ses talents d’actrice après le toucher-couler de Battleship en 2012 et le rôle de Marion Crane dans deux épisodes de la télésérie Bates Motel en 2017.


Si George Lucas a toujours avoué que la Seconde Guerre mondiale, Metropolis (1927), Flash Gordon et l’œuvre d’Akira Kurosawa, en particulier The Hidden Fortress (1958), l’ont aidé à forger l’univers de Star Wars, il n’a jamais mentionné le nom de Valérian, ni de Pierre Christin, ni de Jean-Claude Mézières, ni d’Évelyne Tranlé. Les similitudes sautent pourtant aux yeux.
Pierre Christin, quant à lui, ne se gêne pas pour révéler ses sources : « La principale influence de Valérian, c’est la littérature de SF américaine : Isaac Asimov, Ray Bradbury, Jack Vance et Poul Anderson, surtout. […] Par contre j’ai une véritable aversion pour les superhéros, qui sont laids, moches, vulgaires et très manichéens. »
Il est difficile aujourd’hui de savoir qui a influencé qui et qui s’inspire de qui. Or, dans la physique comme dans la culture, rien ne se perd et tout se transforme. Deux images datées mises côte à côte permettent souvent d’identifier l’original et l’emprunt. Voici quelques exemples qui prouvent que Star Wars n’a pas tout inventé :
À part Steven Spielberg, James Cameron, Christopher Nolan et George Lucas, peu de réalisateurs ont l’étoffe pour supporter une telle entreprise. C’est d’autant plus vrai que le budget de Valerian and the City of a Thousand Planets s’élève à 197 470 000 euros (210 millions de dollars) et le place au sommet du palmarès des films français les plus chers de tous les temps. D’autres chiffres parlent d’eux-mêmes : 93 jours de tournage au cours duquel les scènes ont été filmées de la plus compliquée (exigeant de la postproduction) à la plus simple, sept plateaux, 24 décors immenses, 1 000 employés, 24 mois pour les effets spéciaux et une distribution dans 150 pays!
Bref, Valerian and the City of a Thousand Planets a choisi la bonne année pour sortir au cinéma, puisqu’il prend l’affiche 50 ans après la première publication dans Pilote et 20 ans après la sortie du film The Fifth Element. Le chef-d’œuvre du 9e art ne pouvait que devenir un chef-d’œuvre du 7e art, n’ayant rien à envier à Avatar et encore moins à Star Wars. Besson, le plus américain des cinéastes français, repousse les limites du possible à chaque seconde grâce à des trouvailles riches en couleurs et des détails à couper le souffle. Le potentiel de devenir une franchise est énorme, surtout en sachant que le voyage dans le temps des BD n’a même pas été abordé!
Verdict : 8 sur 10