Verre (Glass) – Critique du film de M. Night Shyamalan
18 janvier 2019 0 Par Louis-Philippe Coutu-Nadeau 18 janvier, 2019 @ 9:52:47
Il y a deux ans, M. Night Shyamalan a pris les cinéphiles par surprise avec Split, tantôt par la construction subtile d’un supervilain aux multiples personnalités, tantôt par sa fin ouverte aux multiples interprétations. La scène en question, digne de ce que Marvel a l’habitude de servir en guise d’appât spectatoriel, annonçait une suite en même temps qu’un crossover inattendu/inespéré, lequel permettrait à Unbreakable de ressusciter 20 ans plus tard dans le but d’étendre son univers superhéroïque. Voici ma critique du sobrement intitulé Glass.
Voici le synopsis :
Peu de temps après les évènements relatés dans Split, David Dunn (Bruce Willis) poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Wendell Crumb (James McAvoy) depuis qu’on le sait capable d’endosser 24 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price (Samuel L. Jackson) suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes…
Constater l’écart entre les titres de la trilogie shyamalanesque (Unbreakable en 2000, Split en 2017 et Glass en 2019) revient à témoigner de cette tendance hollywoodienne, et relativement nouvelle, à privilégier la quantité plutôt que la qualité. Le mot d’ordre se résume désormais à battre le fer pendant qu’il est chaud, quitte à faire n’importe quoi (prequel, sequel, reboot, remake, spin-off, crossover, etc.) tant que l’argent demeure au rendez-vous. L’exemple le plus aberrant? Ce que Disney a fait du bébé de George Lucas. Heureusement que l’inc(l)assable Shyamalan résiste encore et toujours à l’envahisseur mercantile (exit ses navets de 2010 et 2013) en portant à l’écran des scénarios rédigés à la moiteur de ses mains. À noter que la version écrite de son 13e long métrage comptait 134 pages.
Shyamalan, âgé de 48 ans, au sujet du contexte historique d’Unbreakable et de Glass : « En 1999, le Big Bang des superhéros au cinéma était loin de se matérialiser. […] L’idée était de faire passer en contrebande une origin story de superhéros sous la forme d’un thriller retors à la Hitchcock. Aujourd’hui, culturellement, tout a changé. Le monde entier possède un doctorat en superhéroïsme […] Glass parle directement de la figure dominante du superhéros dans l’imaginaire moderne.
Si Glass marque le retour deux ans plus tard d’Anya Taylor-Joy dans le rôle de Casey Cooke, il marque surtout le grand retour 19 ans plus tard (!) de Spencer Treat Clark dans le rôle du fils de David et de Charlayne Woodard dans le rôle de la mère d’Elijah. Il s’agit également de la cinquième collaboration entre Bruce Willis et Samuel L. Jackson après Loaded Weapon 1 (1993), Pulp Fiction (1994), Die Hard with a Vengeance (1995) et Unbreakable (2000). En vérité, le seul nouveau visage important se veut celui de Sarah Paulson qui prête ses traits à la docteure Ellie Staple spécialisée dans le traitement des patients persuadés d’avoir des superpouvoirs.
Grâce à la magie du montage, Shyamalan a pu recycler du matériel inédit du film original afin d’enrichir sa nouvelle intrigue de quelques retours en arrière. L’effet obtenu rappelle Boyhood : les acteurs rajeunissent/vieillissent de deux décennies d’une scène à l’autre sans recours au lifting numérique généré par ordinateur, contrairement à bon nombre de blockbusters Marvel ou Star Wars qui ont fait appel à la compagnie Lola VFX. Si Bruce Willis n’a que quelques rides supplémentaires, il en est autrement pour Spencer Treat Clark (Lucius dans Gladiator) qui change beaucoup durant les quelques scènes où il alterne entre ses 13 ans et ses 31 ans! Ceux et celles qui préfèrent le maquillage CGI devront attendre le 8 mars prochain pour voir Samuel L. Jackson rajeunit numériquement de 25 ans dans Captain Marvel dont l’histoire a lieu en 1995…
Night Shyamalan, né Manoj Nelliyattu Shyamalan, explique comment son dernier-né a pu voir le jour : « En préparant Split, le deuxième film, j’ai demandé à Disney, qui possède les droits d’Unbreakable, l’autorisation d’utiliser le personnage qu’interprète Bruce Willis. J’étais très étonné qu’ils me donnent l’accord, car c’est Universal qui allait sortir Split. Ensuite, j’ai attendu de voir si Split marchait avant d’envisager la suite. Lorsque j’ai constaté que je pouvais entreprendre le troisième, Glass, j’ai dû demander aux deux studios l’autorisation de mettre en scène leurs différents personnages. Je leur ai précisé que j’assurais le financement. Et ils ont dit oui! C’est étrange quand on y pense, non? J’ai vraiment eu de la chance et je me demande encore aujourd’hui comment ça se fait! »
Je tiens à clarifier un point. Il est de notoriété que les gens comparent systématiquement Shyamalan à Alfred Hitchcock. L’élève n’arrive pourtant pas à la cheville du maître du suspense, ne serait-ce que pour la constance dudit maître à livrer chef-d’œuvre par-dessus chef-d’œuvre, et ce, décennie après décennie. À cela s’ajoutent des thèmes forts quoique différents. Shyamalan fait preuve de talent, certes, mais la comparaison qui remonte à 1999 avec The Sixth Sense tourne au ridicule vingt ans et dix films plus tard.
Bref, Glass se présente comme une déclaration d’amour aux comics malgré le fait qu’il en déconstruit les codes et les archétypes par le truchement d’un suspense déroutant se déroulant entre les murs d’un décor à la One Flew Over the Cuckoo’s Nest. Oubliez immédiatement l’idée d’assister à un énième spectacle à grand déploiement. Caressez plutôt celle de réfléchir au sujet de ces spectacles qui nous bombardent yeux et oreilles depuis le début du siècle. Résultat visionnaire? Aucunement. Résultat visionnable? Absolument. Il mérite une bonne main d’applaudissements dans la mesure où son budget de 20 millions de dollars se veut 10 fois inférieur aux plus récents bonbons du MCU.
Verre-dict : 8 sur 10
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À propos de l’auteur
Véritable cinéphile, Louis-Philippe Coutu-Nadeau est un scénariste-réalisateur-monteur qui a une cinquantaine de contrats à son actif en tant que vidéaste (mariages, captations d'événement, publicités, vidéoclips). Il s'occupe d'ailleurs de toutes les vidéos du concessionnaire Alix Toyota depuis juin 2013. Il a aussi été pigiste pour trois boîtes de production, soit le Studio Sonogram, VLTV Productions et Ikebana Productions. Sa filmographie personnelle présente pas moins d'une vingtaine de titres dont le film Khaos et la websérie Rendez-vous. Il possède un baccalauréat en études cinématographiques à l'UdeM et un baccalauréat par cumul de certificats à l'UQÀM (en scénarisation cinématographique, en création littéraire et en français écrit). Vous pouvez visionner son expérience contractuelle et son expérience personnelle sur son site officiel : www.lpcn.ca